Donc oui, que faire? L’élément de surprise dans la sortie de Stephen Poloz n’est pas la hausse du taux directeur dont tout le monde s’attendait, mais bien l’intention clairement exprimée par la Banque du Canada de mettre un terme à sa politique monétaire dite «accommodante».
En d’autres mots, les taux pourraient monter rapidement, du moins à un rythme qu’on n’a pas vu depuis longtemps. Le taux directeur de la banque centrale, hissé à 1,75% hier, pourrait atteindre 3,5 %. Ce serait le double du taux actuel, une cible qui sera atteinte après sept hausses équivalentes à celle d’hier.
Mais à quelle vitesse ça se passera? C’est la question sur laquelle les détenteurs d’hypothèques à taux variables sont appelés à parier aujourd’hui.
Quand la banque centrale modifie son taux, les banques font de même avec leurs taux préférentiels, ce qui affecte instantanément les taux hypothécaires variables, donc le portefeuille de bon nombre de propriétaires de maison.
Chaque fois, j’appelle chez les courtiers hypothécaires :
«Pis…?» «Rien.»
C’est comme ça depuis des années. Je m’interroge sur la pertinence de modifier son hypothèque en cours pour passer au taux fixe. Il y a six mois, Hugo Leroux ne m’aurait probablement pas rappelé tellement il trouve la question ennuyeuse. Hier, il s’est empressé de donner suite à mon message, même s’il est en vacances. «Est-ce le temps de geler son taux si on a une hypothèque à taux variable? La question est enfin intéressante», dit le président d’Hypotheca, la deuxième firme de courtage hypothécaire en importance au Québec.
Si la question est soudainement devenue digne d’intérêt, la réponse, elle, n’est pas simple. Elle commence d’ailleurs platement : «Ça dépend». Et de bien des choses, à commencer par un élément inconnu, la rapidité à laquelle la banque centrale procédera.
«Si le taux directeur est augmenté cinq ou six fois de manière rapprochée, la décision de geler le taux sera probablement gagnante. Si la Banque du Canada veut s’approcher de sa cible de manière plus progressive, ce ne sera pas payant », dit le courtier hypothécaire.
Le taux offert en ce moment sur l’hypothèque de cinq ans fixe est plus élevé que le taux dont profitent ceux qui ont signé ces dernières années pour un taux variable. Toutefois, ce dernier pourrait dans les prochains mois dépasser le taux fixe de cinq actuel.
Le moment où cela se produira déterminera si la décision de passer aujourd’hui au taux fixe s’avérera ou non une bonne affaire. Vous paierez assurément plus cher maintenant, et rien ne dit que ce débours supplémentaire sera compensé par des économies suffisantes plus tard. Il s’agit donc d’une gageure sur ce que fera la Banque du Canada.
Bien qu’il persiste toujours une incertitude, l’institution n’a pas été aussi limpide sur ses intentions depuis années. Une hausse rapide fait désormais partie des scénarios probables, Stephen Poloz a même conseillé les Canadiens d’avoir «plan» pour réduire leur endettement. Cet aplomb est un élément à considérer. Il y en a d’autres, sans doute plus fiables, dont il faut tenir compte.
Les plus fins négociateurs qui ont récemment opté pour une hypothèque à taux variable ont pu arracher un prêt avec un taux variable de 1% sous le taux préférentiel (maintenant 3,95%) de leur institution financière. Ceux qui ont choisi le taux variable il y a deux ans, dans différentes conditions de marché, n’ont pas eu droit à une pareille occasion. «Ils ont probablement signé pour un taux de 0,3% sous le taux préférentiel, même moins», dit Denis Doucet, porte-parole du courtier hypothécaire Multi-Prêts.
Meilleures sont les conditions du prêt à taux variable, plus le pari de passer au taux fixe est risqué. «Si le taux que vous avez négocié est seulement d’un quart de point [0,25%] sous le taux préférentiel, vous vous retrouvez aujourd’hui à payer presque autant que les meilleurs taux fixes offert. S’il vous reste deux ou trois ans à payer sur votre terme, je songerais à passer vers l’hypothèque à taux fixe», dit Hugo Leroux.
Pour avoir accès aux meilleures conditions sur le marché, il faut cependant mettre un terme à son contrat, payer une pénalité pour remboursement anticipé (l’équivalent de trois mois d’intérêts) et repartir à la chasse.
Un autre point à considérer est l’amortissement restant. Plus on approche de la fin de l’hypothèque, moins les paiements sont composés d’intérêts. «S’il vous reste moins de dix ans, ça vaut moins la peine. Dans les meilleurs des scénarios, les gains seront minimes», croit Denis Doucet.
Vous l’aurez compris, c’est du cas par cas. S’il n’y a qu’une chose à faire, c’est d’appeler le conseiller hypothécaire de votre institution financière où le courtier avec qui vous avez fait affaire. Pour une fois depuis longtemps, ce pourrait valoir la peine de changer d’hypothèque avant la fin du terme.
Surtout si vous avez sur les épaules un lourd prêt à taux variable dont les conditions ne sont pas les meilleures.
source: Les Affaires Daniel Germain
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